Haus am Gern – «The Fly»

Haus am Gern «La Mouche»

DuflonRacz, Rivoli Building, Brussels

8. September – 22. October 2016

 

Les symboles reflètent les paysages intérieurs et les phénomènes de la psyché qui font partie de l’expérience humaine depuis la nuit des temps. Ils paraissent souvent (bien que pas toujours) valables par delà les cultures, peut-être en tant que projections inconscientes d’images mentales figurants certains aspects du monde naturel.

Alors que le papillon symbolise la renaissance de l’âme, la métamorphose, l’inconstance, la fragilité, et la fugacité, aussi bien que la quête de la lumière (la connaissance), la mouche est presque universellement reconnue comme un symbole de maladie, de mort, de perte et de dégradation. Aussi Baal Zebub, le Seigneur des Mouches (un dieu des Philistins) devint synonyme de Satan dans les textes chrétiens. Dans la démonologie médiévale, Satan apparait sous les traits d’une mouche. Pendant que le papillon représente l’âme transcendant le corps au moment de la mort, la mouche nous rappelle la réduction du corps à la matérialité cadavérique.

Haus am Gern exploite le pouvoir suggestif de ce symbole au travers d’une double série d’oeuvres « The Fly – La Mouche – Die Fliege ». Au premier coup d’oeil, la tache noire ressemble à une mouche s'étant posée par hasard sur des feuilles de papier blanc, tel qu’elles sont portées à le faire. Un examen plus approfondi révèle une miniature représentant une image biblique familière à l’histoire de l’art : Caïn assassinant son frère Abel. « The Fly » fait ainsi référence au premier meurtre répertorié par l’Ancien Testament, le conflit entre les modes de vie du nomade et du sédentaire, de même que le premier fratricide de l’Histoire. Ne faisons-nous pas tous humains que nous sommes partie de la même famille ?

Les dessins sur papier de Haus am Gern sont à la fois impressionnants et captivants. Peut-être que les questions qu’ils soulèvent nous ramènent aux meurtres de notre temps qui – à moins qu’ils ne se mesurent à l’échelle du génocide – se manifestent, à peine perceptibles sur la surface des flots d’informations en continu pour aussitôt disparaître, comme une mouche.

La deuxième partie de la série relie le symbole de la mouche à celui du portique. Les arcades classiques sont utilisées par la chaine de magasin de luxe « Les Ambassadeurs » afin de symboliser chacune des marques qu’elle représente, parmi lesquels on compte Hermès, Piaget, Cartier, Mikimoto, Lange & Söhne, Jaeger LeCoultre et bien d’autres encore. Les portiques attirent – « Entrez-donc ! » –, mais ils peuvent aussi refuser l'entré, exclurent. Ils se tiennent entre l’ici et là-bas, entre le monde intérieur et le monde extérieur. À la naissance, l’enfant passe le portique du monde des vivants, alors que la tombe est le portique de ce qui vient après.

En reproduisant ce symbole du portique en un objet d’art haut de gamme en porcelaine gravé d’une mouche, les artistes établissent un rapport entre l’industrie du luxe et la société de consommation, avec ses méthodes contestables d’approvisionnement et de production. C’est avec un clin d’oeil plein d’humour et d'esprit qu’ils questionnent nos comportements de consommateurs, ceux-ci autorisant finalement de déterminer ce qui est produit et comment. Mais ils vont aussi plus loin en attirant notre attention sur le fait de notre propre mortalité : nous sommes tous voués à passer au travers de ce dernier portique sans rien emporter de ce monde avec nous. « The Fly » est une Vanitas qui n’en a pas l’air.